Pour comprendre l’impact du punk sur l’underground, il faut d’abord remonter à ses débuts. Le punk apparaît au milieu des années 1970, notamment avec la scène new-yorkaise incarnée par les Ramones ou Patti Smith, qui se connecte rapidement à son équivalent britannique, mené par les Sex Pistols et The Clash. Cette explosion arrive dans un contexte de lassitude face aux excès du rock progressif et de la disco dominante.
Le punk repose sur des compositions volontairement simples, crues. Trois accords suffisent. C’est un rejet des standards complexes imposés par les virtuoses du rock. Les paroles sont directes, souvent provocantes, abordant des thèmes politiques, sociaux ou existentiels. Plus importante encore : l’attitude anticonformiste. Le punk prône un rejet catégorique des normes et des institutions établies. DIY (Do It Yourself) devient son mantra. Pourquoi attendre une maison de disques quand tu peux autoproduire un album ? Pourquoi se plier à une société de consommation quand tu peux tout créer toi-même ou refuser d’y participer ?
Si le punk a redéfini la musique, il a surtout redéfini la manière dont elle est produite et distribuée. La culture DIY, cœur battant du punk, a offert les bases à une multitude de scènes underground.
Face au refus des majors de signer des groupes qu’ils considèrent comme "non commerciaux", des artistes comme Crass fondent leur propre label. Crass Records devient ainsi l’un des premiers labels à démontrer l’indépendance totale : production, impression des pochettes, distribution… ils contrôlent tout. Des labels comme Rough Trade ou Factory Records s’inspirent directement de cette philosophie. Des décennies plus tard, cette mentalité nourrira aussi bien des sous-genres électroniques que le black metal.
Le punk a popularisé des outils d’expression parallèles comme les fanzines. Ces magazines autoédités permettent aux fans et artistes de partager leurs idées sans passer par les médias traditionnels. Maximum Rocknroll, fondé en 1982, est un exemple majeur de fanzine devenu culte. Aux côtés de cela, les scènes locales se structurent autour de concerts DIY, souvent hébergés dans des squats ou des clubs bondés (CBGB’s à New York ou 100 Club à Londres).
À travers cet écosystème alternatif, une scène globale émerge. Le punk devient un réseau mondial d’échange et de soutien mutuel, posant les bases de l’autonomie artistique et de l’indépendance.
Dans les années 1980, le punk éclate. Ses sous-genres se multiplient, chacun explorant une facette de la contestation ou de l’expérimentation musicale.
Le punk tel qu’on le connaît aujourd’hui n’est plus forcément cette décharge brute des 70s, mais son esprit est toujours là, intact. Il s'est infiltré dans des genres que l’on ne relie pas forcément à son esthétique première, comme la techno industrielle, le noise ou même certaines branches de la pop expérimentale. Prenons un exemple parlant : la scène DIY de Los Angeles, où des artistes comme Ty Segall ou Oh Sees reconstruisent le garage rock avec une énergie punk. Dans une autre sphère, des collectifs techno comme Herrensauna à Berlin se revendiquent d’un esprit de contre-culture propre au punk.
On pourrait même dire que le net a achevé ce que le punk avait amorcé. La distribution de la musique via Bandcamp ou SoundCloud permet à tout le monde de publier ses créations, poursuivant cette autonomie artistique chère au DIY. Dans une économie saturée de stars sponsorisées, les labels et artistes underground font revivre avec force l’éthique punk du "no compromise".
Alors, le punk est-il mort ou a-t-il simplement changé de visage ? La réponse est claire : il est toujours là, enraciné dans chaque mouvement musical qui refuse de se plier aux diktats de l’industrie. Que ce soit dans l’indépendance des musiciens, le refus des codes traditionnels ou la quête de nouvelles vibrations loin des projecteurs, son souffle continue de nourrir l’underground.
Et c'est précisément cette capacité du punk à se réinventer tout en restant fidèle à son essence brute qui garantit son éternité. Le punk, c’est plus qu’un genre ou une mode. C’est un symbole de résistance, une démonstration que l’art véritable ne meurt jamais et qu’il trouve toujours un moyen de franchir les frontières. La question n’est pas de savoir si le punk influencera encore de nouvelles scènes underground. Soyons réalistes : il le fait déjà.