13 mars 2025

Plongée dans les hauts lieux de l’underground : où la contre-culture a pulsé au fil des décennies

CBGB – La matrice du punk à New York

Ce n’était qu’un petit bar situé au 315 Bowery à Manhattan, mais le CBGB (abréviation de "Country, Bluegrass, and Blues") a marqué au fer rouge l’histoire de l’underground. Fondé en 1973 par Hilly Kristal, ce qui aurait dû être un lieu dédié à la musique traditionnelle américaine est rapidement devenu le sanctuaire du punk et de la new wave.

Des artistes comme les Ramones, Talking Heads, ou encore Blondie ont fait leurs armes ici dans une ambiance brute et sans fioriture. Ce club n’avait rien de glamour : toilettes dégoûtantes, murs délabrés, éclairage minimaliste. Mais c’est précisément ce caractère brut qui a nourri la créativité. C’est l’endroit où une communauté a pris forme, où des marges oubliées de l’industrie musicale ont trouvé un micro pour brailler leur vérité. En 2006, le CBGB a fermé ses portes, mais son héritage reste gravé dans le marbre.

The Hacienda – Manchester et l’essor de la rave culture

Passons au nord de l’Angleterre. D’un ancien entrepôt, la Hacienda (1982-1997) s’est imposée comme l’écrin de la scène acid house et rave naissante. Financée par le mythique label Factory Records et le groupe New Order, cet espace a été une alchimie de contradictions : un club avant-gardiste dans une ville industrielle.

À l’apogée de son existence, la Hacienda incarnait une aventure sonore digne d’un laboratoire social : fusion de house américaine, musiques électroniques et énergie locale. Ici, l’underground devenait un acte collectif, des gens de tous horizons amalgamés dans une transe contagieuse. Pourtant, le club fut souvent à deux doigts de la faillite en raison de sa politique d’accès à prix bas et des activités illicites qui s'y multipliaient. Tragédie financière donc, mais victoire culturelle, sa marque indélébile persiste sur Manchester.

Berghain – L’ultime bastion de l’underground moderne à Berlin

On ne peut évoquer l’underground contemporain sans mentionner le légendaire Berghain, niché dans une ancienne centrale électrique berlinoise. Depuis son ouverture en 2004, ce lieu a dépassé le cadre d’un club pour devenir une institution culturelle. Temple du techno minimaliste, le Berghain impose une aura quasi-mystique.

La particularité du Berghain réside dans son atmosphère rigoureusement sélective mais paradoxalement inclusive une fois à l’intérieur. Aucune photo, aucune preuve palpable : ce qui se passe au Berghain reste au Berghain. Des sets marathon de DJs comme Ben Klock ou Marcel Dettmann plongent les clubbeurs dans des voyages sonores sans fin. Un havre aussi brut que puissant, où l’épicentre est la liberté d’expression musicale, sexuelle et artistique.

Studio 54 – Quand l’underground rencontre le glamour à New York

Certains diront que Studio 54 (1977-1980) n’a rien à voir avec l’underground, mais la vérité est plus nuancée. Sous ses lustres scintillants de Manhattan, entre coke et strass, un pan entier de contre-culture a trouvé refuge. La scène disco, dans toute sa diversité queer et rebelle, y a explosé alors que les médias de masse voyaient cette musique comme éphémère.

Outre les célébrités qui se pressaient à son entrée sélective, le Studio 54 était un creuset audacieux où les codes de la société étaient bousculés. Le disco underground y gagnait une forme d’exposition tout en conservant son essence révolutionnaire. Et que dire des anecdotes improbables – des chevaux vivants amenés sur scène jusqu’aux collectifs LGBTQ+ organisant des soirées flamboyantes ? Si court soit-il, cet espace a marqué l’apogée d’une ère où l’underground flirtait avec une visibilité déroutante.

Les squats et les free parties – La résistance nomade

Plus discrets, plus mobiles, les espaces squattés et les free parties ont incarné une facette plus militante et insaisissable de l’underground. Dès les années 80 et 90, alors que certains clubs comme le Studio 54 ou la Hacienda gagnaient en notoriété, une autre scène se construisait dans les marges.

À Berlin, des années après la chute du Mur, les squats comme Tacheles ou encore S.O.36 se sont imposés comme des laboratoires de musique, d’art et de débats politiques. En France, la vague des free parties (tonnée par des collectifs comme Spiral Tribe) a embrassé l’ère des raves nomades, rassemblant des centaines, parfois des milliers de personnes dans des lieux sauvages ou industriels abandonnés.

  • Pas d’entrée payante, pas de sponsors, pas de règles fixes : l’accent y était mis sur l’autonomie et la désobéissance.
  • La musique, souvent dans des courants tels que la hardcore ou la techno, portait le message d’une rupture avec les systèmes établis.

Ces lieux éphémères résonnent encore comme une leçon de créativité et de mutualisme face aux institutions traditionnelles.

Le Rex Club à Paris – La capitale trouve son groove

Impossible de boucler ce voyage sans mentionner le Rex Club, véritable repaire de la musique électronique parisienne depuis les années 90. Affilié au cinéma Grand Rex, cet espace s’est rapidement mué en cheval de Troie de la techno dans une France alors méfiante face à cette culture montante.

Des figures comme Laurent Garnier ou Carl Cox y ont posé les fondations d’une scène aujourd’hui internationale. Avec son système son d’une précision chirurgicale et une programmation audacieuse, le Rex reste aujourd’hui un phare pour les explorateurs sonores.

Vers un futur sans lieux fixes ?

Avec l'évolution des technologies et l’essor des lives stream ou des expériences virtuelles, une question se pose : l’underground a-t-il encore besoin d’un lieu physique pour exister ? Si les clubs et les squats continuent de jouer un rôle clé, on assiste à l’émergence de nouveaux terrains d’expression numériques. Mais peut-on ressentir la même vibration viscérale à travers un écran que dans un entrepôt tremblant sous les basses ? Rien n’est moins sûr.

Cependant, une chose est certaine : tant qu’il existera des âmes rebelles, des collectifs dévoués et des DJs aventureux, l’underground trouvera toujours un moyen d’éclater. Que ce soit entre quatre murs délabrés ou dans des mondes immersifs numériques, son essence est indélébile.

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